Le commencement …
Lorsque j’étais toute jeune, j’avais un rêve : devenir monitrice d’équitation et avoir mon propre centre équestre. Partager ma passion et l’amour du cheval.
Après des années en tant que cavalière où ce rêve ne m’a jamais quitté, je suis partie à 15 ans de chez moi pour intégrer une école professionnelle. Une école où j’apprendrai mon futur métier, en alternance chez un patron, gratuitement.
Au fur et à mesure des années, j’ai rencontré des professionnels très différents. Certains m’ont inspirée et d’autres m’ont permis de me rendre compte de ce que je ne voulais pas. Heureusement, j’avais tout de même rencontré des personnes extraordinaires, et pu m’acheter ma première ponette, Candy.
Après 6 années intenses, à parcourir la France et le monde, à donner sans compter, j’ai eu besoin de faire une pause. A l’époque, je pensais que c’était pour des raisons financières, qu’il fallait que je mette de l’argent de côté pour mon monitorat, mais il n’y avait pas que cela. Je me rends compte aujourd’hui que c’était une année pour me réparer, après des blessures et une fatigue, tout aussi bien physiques qu’émotionnelles. J’étais allée au-delà de mes limites et de mes valeurs.
Cette année-là, j’ai rencontré l’homme qui deviendrait l’homme de ma vie, mon futur mari, j’eus une vie normale, avec des horaires, un salaire, une vie sociale, et je pu acheter mon premier cheval.
Cette année de bonheur m’a redonné l’énergie de faire le point sur ce que je voulais vraiment et j’ai pu intégrer une formation comme je l’avais rêvé : avec un instructeur et des patrons bienveillants, qui étaient là pour me former, continuer dans l’amour du cheval et me permettre d’être autonome face à la réalité du terrain.
J’ai un peu hésité à devenir monitrice salariée à la fin de ma formation, mais les postes proposés ne convenaient pas et quand on a gouté à la liberté, il est difficile de revenir en arrière !
L’installation …
J’ai donc décidé de m’installer à mon compte, quitte à ne pas gagner ma vie, autant que je le fasse pour moi ! Je suis arrivée à la Chapelle Aux Naux le 21 juin 2011, avec mes 4 chevaux : mon Joli Cœur, et First Star, Impérial et Quandy offerts par mes anciens patrons, Olivier et Nic Sirot pour me remercier de mon travail dans leur écurie.
Et la galère a commencé : il a fallu trouver du terrain à louer (l’achat étant impossible tant au niveau financier que disponibilité de terrains), essuyer les refus condescendants des banques de suivre mon projet (une jeune fille de 23 ans qui veut faire des balades à cheval, n’importe quoi !) faire les clôtures à la main, pousser les bottes de foin et jongler avec un travail à mi temps dans une ferme pour arriver à nourrir mes chevaux (et un peu moi-même accessoirement !). Heureusement, j’ai toujours pu compter sur le soutien indéfectible de mon amour de mari et de ma famille proche, même s’ils s’inquiétaient pour moi.
Mais tout cela n’avait pas d’importance car j’avais un rêve : créer un lieu dédié au cheval et à l’équitation de loisir, où les cavaliers viendraient pour l’amour du cheval et non pas pour l’adrénaline ou se faire valoir.
Et l’aventure Touraine Cheval a commencé. Officiellement le 10 août 2011 avec la création de l’association.
L’été fut consacré à la reconnaissance des chemins et à la prise de photos.
En septembre, j’ai commencé le site internet, outil indispensable pour se faire connaitre et attirer les cavaliers de balade.
Le 6 octobre, le site internet était officiellement en ligne.
J’ai alors pu accueillir mes premiers cavaliers et faire une opération « Groupons ». Vous savez, ce site internet où vous pouvez acheter des coupons pour des activités à – 50 %.
Les balades ont été mises en ligne 3 jours, et 500 personnes se sont précipitées. Mon planning allait être bien rempli dans les 3 mois suivants. Avec (l’énorme) commission du site, je n’ai quasiment rien gagné, mais cela m’a permis de me faire connaitre et de me rendre compte que je n’étais pas la seule à vouloir un centre avec ces valeurs-là. De quoi me donner de l’énergie pour longtemps !
Petit à petit, j’ai réinvesti dans le centre tout ce que je gagnais, mon travail à la ferme me permettant de payer mes frais personnels, en complément du salaire de mon mari. Nous n’avons pas beaucoup fait de folies, notre niveau de vie ne nous le permettant pas, mais nous étions heureux. Les rencontres que je faisais tous les jours avec les cavaliers me remplissaient de toute la richesse dont j’avais besoin.
Après une année, et malgré un patron à la ferme adorable, j’ai dû quitter mon emploi à mi-temps pour me concentrer à 100 % à mon activité. Je ne pouvais pas me payer, mais je n’avais plus le temps, ni la capacité physique de cumuler deux emplois.
Et petit à petit, en plus des balades j’ai commencé les cours, particuliers et collectifs. J’avais environ 3 cavaliers par cours, et même si c’était très confortable pour eux, je me rendais compte que ce n’était pas viable. Il me fallait plus de cavaliers si je voulais pouvoir soigner mes chevaux correctement et durer dans le temps.
Au fil du temps …
J’ai accueilli des enfants, qui sont aujourd’hui de jeunes adultes. Certains cavaliers n’avaient jamais mis le pied à l’étrier, et aujourd’hui ils galopent vers la liberté. Nous avons eu des personnes de toutes nationalités : américains, australiens, anglais, espagnols, allemands, israéliens, hollandais, chinois, japonais, brésiliens, et bien d’autres encore ! Nous avons pu organiser des stages de confiance en soi, tourner des films, recevoir des équipes de télé, organiser des fêtes et des spectacles, des stages sur le bien être animal, avec des grands noms, organiser un week end du bien être équestre, participer à des grands évènements, organiser des journées couture, faire des apéros et bien d’autres choses….
Les années se sont enchainées, et le centre a bien évolué. Nous avons commencé avec un terrain vide, 4 chevaux et une caravane, et aujourd’hui nous possédons 45 chevaux et poneys, chats, chiens, cochon et poules, un manège et un nombre important de cavaliers. Le petit Touraine Cheval du début est devenu une belle entreprise.
Il y eut des joies immenses : le sourire d’un cavalier qui arrive à se dépasser ; les étoiles dans les yeux de ceux qui montent pour la première fois ; des milliers de kilomètres parcourus en balade et les rires qui nous accompagnaient ; des souvenirs à jamais gravés. Des mariages ; la fierté des parents de voir leur enfant grandir ; des jeux avec mes chevaux ; des personnes fantastiques avec qui j’ai travaillé . La rencontre avec ma meilleure amie… Ma sœur qui m’a toujours soutenue et qui apporte ses bonnes idées ; les pleurs de joie des personnes âgées que nous rencontrons ; des rencontres avec des personnes époustouflantes qui m’inspirent au quotidien, et chaque personne qui amène sa bienveillance ; des nouveaux chevaux que l’on voit reprendre confiance après un passé de violence ; des cavaliers qui trouvent refuge à Touraine Cheval ; à des volontaires en service civique qui sont toujours adorables et motivées….
Mais il y eut également des peines immenses : la perte de deux de mes premiers chevaux, de coliques que nous n’avons pas pu soigner ; certains cavaliers qui sont venus prendre notre bienveillance et notre empathie, et qui en ont profité, en nous laissant meurtris ; des nuits blanches à ne pas savoir comment j’allais réussir à tout concilier, tout payer ; à de nombreuses soirées entre amis où j’étais trop fatiguée pour être à l’écoute ; au peu de temps accordé à ma famille, car je travaillais trop. Aux jugements qu’il a fallu subir : « Tu devrais faire comme cela », « ce n’est pas assez bien», « tu pourrais faire plus d’efforts », « tu as de la chance si ça fonctionne », « tu n’y arriveras jamais », « tes chevaux ne sont pas assez bien », « moi je veux ça alors il faut que tu le fasses »… Au sacrifice de mon confort et de l’argent pour en donner plus aux cavaliers. Aux menaces violentes à mon encontre et à l’encontre de mes chevaux pour un différent anodin avec un voisin ou un propriétaire…. Aux trahisons de personnes proches… A la perte toujours douloureuse de quelques autres chevaux, nos amis, nos confidents…
Mais je l’ai choisi, je l’assume. Et jusqu’à présent le bonheur ressenti compensait bien tout ces désagréments.
Un lieu qui a permis de très beaux moments …
Et je suis fière aujourd’hui d’avoir créé un lieu où chaque cavalier régulier a pu trouver un ami, où chacun partage l’amour du cheval, et non pas que pour le monter. Où nous apprenons aux cavaliers à respecter les besoins de son cheval, et pas que quand cela arrange le cavalier : les besoins de nos chevaux sont différents des nôtres, il faut apprendre à les connaitre pour ne pas tomber dans l’anthropomorphisme. Nous faisons évoluer nos méthodes, car nous n’avons pas peur de se remettre en question. Enfin si, nous avons peur, mais cela ne nous paralyse pas !
Je suis fière d’avoir rencontré des cavaliers, que ce soit d’un jour ou depuis 10 ans, qui ne sont pas là pour les ragots et les cancans, mais pour évoluer, dans le respect de chacun.
Je suis fière de pouvoir faire monter des gens pour la première fois car je sais que mes chevaux nous font suffisamment confiance pour les guider en toute sérénité.
Je suis fière de pouvoir randonner partout et que chaque cheval et chaque cavalier se fasse plaisir.
Je suis fière quand une cavalière de dressage international me complimente sur le dressage de mes chevaux.
Je suis fière quand je vois mes troupeaux galoper et jouer au pré.
Je suis fière quand les professionnels avec qui je travaille viennent s’en occuper et leur apporter tout le bien être nécessaire.
Je suis fière d’avoir une équipe merveilleuse, qui vient tous les matins avec le sourire et apporte sa bonne humeur et son professionnalisme aux cavaliers et chevaux.
Je suis fière quand les gens me disent qu’ils se sentent bien à Touraine Cheval et que les enfants viennent confier leurs secrets aux poneys.
Je suis fière quand des milliers de personnes passent la porte de Touraine Cheval pour venir monter quelques heures, quelque soit leur âge.
Je suis fière quand nous allons en EHPAD apporter du bien être aux résidents et réaliser leurs rêves.
Je suis fière de côtoyer au quotidien des personnes extraordinaires, qu’ils soient cavaliers, parents, accompagnateurs ou professionnels…
Je suis fière quand je vois la fierté dans le regard de mon mari et de mes enfants.
Je suis fière d’être un exemple pour mes enfants, même si j’aimerais passer plus de temps avec eux.
Je suis fière d’avoir créé une grande famille équestre.
Pour conclure ….
Alors non, nous ne sommes pas parfaits, et nous ne le seront jamais. Mes chevaux sont trop gourmands et pas assez sportifs, mais qu’est ce que je les aime. Qu’est ce qu’ils nous donnent au quotidien et quelle joie ils nous apportent ! Et je ne serai jamais parfaite non plus. Mais je fais de mon mieux, avec ce que j’ai et qui je suis.
Et après tant d’année à tout donner, j’ai pris la grande décision de moins enseigner, pour me concentrer sur d’autres projets et me reposer un peu. Après près de 17 ans à travailler entre 60 et 80 heures par semaine, j’ai besoin de prendre du temps. Et surtout j’ai une équipe en or qui me permet de leur laisser la place en toute confiance.
« Une femme ne peut donner que ce qu’il déborde », je souhaite donc remplir un peu ma coupe ! Mais rassurez vous je reste là, je serai juste un peu moins disponible !
Alors MERCI à tous pour ces 10 ans ensemble, aux cavaliers qui ont été présents au début, à ceux qui sont partis, aux professionnels qui travaillent avec nous depuis tant d’années et qui font un travail fantastique, à mes voisins pour leur bienveillance, à ceux qui m’ont aidé, encouragé, à ceux qui n’étaient pas d’accord et qui nous ont permis d’évoluer et de faire des choix et sélections, à l’ensemble de l’équipe, aux propriétaires des terrains, à ma famille et à mes chevaux d’amour ! Je vous aime ! Et vivement les 10 prochaines années !